Joseph KI-ZERBO et la question de l’éducation en Afrique

Joseph KI-ZERBO et la question de l’éducation en Afrique

Tous les sages, au sommet de leur contribution intellectuelle à l’épanouissement de leur société, s’intéressent de près à la question de l’éducation (wuubri en mooré). Le sage KI-ZERBO en aboutit dans son effort à édifier une Afrique affranchie de toutes  sortes de dominations.

En véritable philosophe, KI-ZERBO a traité de l’éducation particulièrement dans ses œuvres Eduquer ou périr (1990) et Education et développement : cinquante ans de réflexion et d’action (2010). Il a prouvé une appréhension très profonde de la notion de l’éducation. Cette conception, il l’exprime ainsi : « on ne naît pas tout fait » ce qui veut dire qu’« après la mise au monde, il faut l’éducation »[1]. L’éducation est donc un complément du statut d’homme et le premier protagoniste de cette opération de complément ou de perfectionnement qu’est l’éducation demeure la femme. Tout bon Africain le sait. La femme assure l’éducation de l’enfant à plus de 70%. En ce sens, notre contexte actuel requiert qu’une réflexion de haut niveau soit menée sur la problématique actuelle de l’occupation professionnelle des femmes et l’éducation des enfants. Ce sujet fut l’objet de thé-débat très passionné et passionnant à la Génération Joseph Ki-zerbo, mouvement intellectuel et culturel.

D’entrée de jeu, dans le fameux livre Eduquer ou périr, il passe en revue le système éducatif africain des origines à nos jours. Il démontre que « l’Afrique a été le premier continent dans l’histoire où l’alphabétisation ou la scolarisation furent mises en œuvre ». Des villes comme Tombouctou à la période des grands empires africains étaient « plus scolarisé au XIVème siècle que bien des métropoles médiévales ».[2] L’Afrique avait un système éducatif assez fort et bien adapté dont une bonne partie s’effectuait par l’initiation qui suivait plusieurs étapes. Mais ce système éducatif, l’essor de la scolarisation au temps des grands empires furent stoppés de force par le contact avec le monde occidental : d’abord les religions, la traite des Noirs, la colonisation et la néo-colonisation qui fleurit de nos jours.

Après les indépendances, les pays africains essaient d’intégrer machinalement le système éducatif du colonisateur, alors il s’ensuit des crises éducationnelles qui non seulement perdurent aujourd’hui mais conquièrent leur apogée. Un exemple concret en passant, de 40% l’année passée, le Burkina se retrouve avec 29% au B.E.P.C. de cette session 2016. Le grand financement extérieur, l’inadéquation des programmes, le défaut de politique sérieuse d’éducation  justifient ces crises permanentes. Or comme il l’écrit « l’éducation est le logiciel de l’ordinateur central qui programme l’avenir des sociétés »[3] et « une société qui renonce à prendre en charge sa jeunesse et à la doter des outils d’une promotion optimale, enterre son propre avenir »[4]. Voilà des postulats que les dirigeants africains dans leur majorité ignorent éperdument ou du moins s’efforcent de ne pas entendre. L’on comprend aisément par là le crucial problème du développement qui se pose depuis les indépendances.

Ki-zerbo a montré le lien intrinsèque qui existe entre éducation et développement. En effet, il fait ressortir la nécessité de l’éducation pour le développement en écrivant que « l’éducation doit être considérée comme le cœur même du développement »[5]. L’éducation a un coût. Celle africaine s’engouffre à cause de la crise économique dans les pays africains. Eduquer ou périr, l’Afrique doit se réveiller à temps. Les partenaires financiers de l’éducation africaine imposent des programmes à dessein dans l’optique d’étouffer l’éducation et de là, maintenir l’Afrique sous la férule humiliante du néocolonialisme. On est tenté de dire, vu la gravité de la crise éducationnelle, que la vision funeste de ce ministre français des colonies, M Albert Sarraut, est toujours d’actualité : « instruire les indigènes est assurément notre devoir. Mais ce devoir s’accorde de surcroît avec nos intérêts économiques, administratifs, militaires et politiques les plus évidents. »[6]

Comme tout vrai savant, pour la résolution de la crise éducationnelle africaine actuelle, il a proposé des solutions idoines. Pour lui, il se pose comme un impératif, la généralisation de l’éducation, l’amélioration de ses performances, son africanisation. L’Africaniser, c’est-à-dire que le logiciel programmateur du système éducatif africain doit être conçu en Afrique et par les Africains pour les Africains.  Le développement de l’Afrique passera, de ce fait par l’amélioration de son système éducatif grâce à de vraies politiques d’éducation. Pour finir il assure que « sans vraie éducation africaine, il n’y a rien à espérer »[7].

Dobi Parfait MARE

       Président de la Génération Joseph KI-ZERBO

Références:

[1] Ki-zerbo, Eduquer ou périr, Paris, Unesco, 1990, p. 15

[2] Ki-zerbo, Eduquer ou périr, Paris, Unesco, 1990, pp. 19, 20

[3] Ki-zerbo, Eduquer ou périr, Paris, Unesco, 1990, p. 16

[4] ibid

[5] Ki-zerbo, A quand l’Afrique, 2003, p. 199

[6] Ki-zerbo, Eduquer ou périr, Paris, Unesco, 1990, p. 22

[7] Ki-zerbo, A quand l’Afrique, 2003, p. 200